Le programme de reconstruction post-séisme : cadre institutionnel et budgétaire
Le programme de reconstruction suite au séisme d’Al Haouz du 8 septembre 2023 a franchi plusieurs étapes clés visant à garantir une gestion efficace, transparente et inclusive des efforts de reconstruction.
Adoption des instruments juridiques et institutionnels
Pour structurer la réponse à la catastrophe, plusieurs instruments législatifs et institutionnels ont été adoptés. Le 11 septembre 2023, un décret a été promulgué pour la création d’un Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre. Ce fonds vise à centraliser et orienter les ressources nécessaires pour la reconstruction.
Quelques semaines plus tard, le 4 octobre 2023, un décret-loi a instauré l’Agence de Développement du Haut Atlas (ADHA), une institution centrale chargée de coordonner les efforts de reconstruction dans les zones sinistrées. Cependant, son activation n’a pas encore eu lieu, ce qui suscite des interrogations sur la réactivité administrative.
Le 13 octobre 2023, un autre acte législatif a permis l’activation du Fonds de Solidarité contre les Événements Catastrophiques (FSEC), marquant l’urgence de la situation. Un geste symbolique fort a été fait le 2 novembre 2023 avec l’adoption d’un projet de loi attribuant le statut de pupilles de la Nation aux enfants victimes du séisme.
Le programme de reconstruction dans la loi de finances 2024
Le programme de reconstruction a été intégré dans la Loi de finances pour 2024, qui place la gestion des effets du séisme comme l’une des priorités gouvernementales. Le Projet de Loi de finances (PLF 2024) adopté en octobre a annoncé que le programme de reconstruction se déroulera dans un cadre conventionnel, avec la contribution du Budget général de l’État, des Collectivités territoriales, et de divers fonds de solidarité, notamment le Fonds Hassan II et l’aide internationale. Cela souligne l’importance d’une approche collaborative et multi-acteurs pour le succès du programme.
Les structures de décision stratégique
La prise de décision stratégique se concentre dans les réunions présidées par le roi Mohammed VI, renforçant l’importance de la dimension politique dans la gestion de cette crise. En parallèle, une Commission interministérielle composée de huit départements ministériels a été mise en place pour assurer la mise en œuvre effective du programme et le suivi de la reconstruction des infrastructures et logements.
Le rôle des collectivités territoriales et de l’ADHA
Malgré l’activation de ces instruments juridiques, le rôle des Provinces, Préfectures, et Collectivités territoriales dans la mise en œuvre concrète de ce programme n’a pas encore été clairement défini. Ce flou suscite des interrogations, car ces structures sont pourtant en première ligne pour appliquer les mesures sur le terrain. La mise en place de l’ADHA, prévue pour coordonner les actions sur le terrain, est cruciale. Toutefois, son activation reste en suspens, et il est nécessaire d’évaluer l’impact de ce retard dans la gestion de la crise.
Budgétisation du financement public pour la reconstruction
La gestion des financements, à la fois publics et privés, est un axe majeur pour garantir l’efficacité de la reconstruction. Dès le 10 septembre 2023, un Fonds 126 a été créé pour centraliser les contributions de solidarité, principalement en vue de la réhabilitation des infrastructures et du soutien aux populations sinistrées. À la date du 19 décembre 2023, ce fonds avait collecté 19 milliards de dirhams, gérés par Bank Al Maghreb.
Le Projet de Loi de Finances 2024 (PLF) a prévu une enveloppe supplémentaire de 15 milliards de dirhams pour le fonds, illustrant la continuité des efforts financiers pour la reconstruction. Le budget prévisionnel pour 2024 prévoit des crédits d’investissement totalisant 118,11 MMDH, soit une augmentation de 11,39% par rapport à l’année précédente. L’effort global d’investissement public, incluant les contributions des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques, devrait atteindre 335 MMDH.
Parallèlement, le programme de reconstruction, qui couvre à la fois la reconstruction des logements et la mise à niveau des infrastructures, bénéficie d’un budget global de 10 MMDH, réparti sur une période de cinq ans. Ce programme est financé par divers leviers, dont le budget de l’État, les contributions des collectivités territoriales, le Fonds spécial de solidarité, et le Fonds Hassan II pour le développement économique et social.
Aides directes et financement international
Le programme d’aide direct a été détaillé par le gouvernement, avec des montants spécifiés pour les ménages touchés. Les habitants des zones sinistrées reçoivent une aide d’urgence de 30 000 DH, avec une aide supplémentaire pour les logements effondrés (140 000 DH pour les logements totalement détruits, 80 000 DH pour ceux partiellement détruits). Ce programme cible environ 4,2 millions de personnes.
Le financement international, clé pour compléter l’effort national, a déjà reçu des engagements notables : 1 milliard d’euros de la Banque européenne d’investissement, 100 millions d’euros de la Banque allemande de développement, 177 millions d’euros de la Commission européenne, et 12,6 millions USD de l’USAID.
Le rôle du fonds spécial et des investissements publics en 2024
Selon la Note de présentation du PLF 2024, environ 4% des investissements publics en 2024 (soit 15 milliards de dirhams) sont destinés au Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre. Ce pourcentage inclut-il les 2 MMDH mobilisés par le Fonds Hassan II ? Cette question reste ouverte, mais le geste symbolique de la contribution internationale et de l’initiative de solidarité reflète la volonté de l’État marocain de répondre rapidement et efficacement à la catastrophe.