Equité, transparence et accès à l’information dans la gestion du programme de reconstruction post-séisme


La gestion des ressources allouées à la reconstruction du Maroc suite au séisme d’Al Haouz suscite des questions essentielles relatives à l’équité, à la transparence et à l’accès à l’information. Alors que des efforts considérables sont déployés pour répondre à la catastrophe, plusieurs aspects du programme soulèvent des préoccupations quant à la conformité avec les principes constitutionnels et la bonne gouvernance.

Une gestion des dons en débat

Le Fonds 126, qui centralise les contributions pour la gestion des effets du séisme, a pour objectif de financer les réparations urgentes et la réhabilitation des infrastructures et des logements dans les zones sinistrées. Cependant, deux problèmes majeurs ont été soulevés concernant sa gestion.

Premièrement, la déductibilité fiscale des contributions au Fonds, bien qu’encourageant les dons, bénéficie exclusivement aux entreprises et non aux personnes physiques. Cette décision soulève une question de justice fiscale, puisqu’elle va à l’encontre du principe d’égalité devant l’impôt, tel que stipulé dans l’article 39 de la Constitution marocaine, qui garantit un traitement équitable pour tous les citoyens.

Deuxièmement, la transparence dans l’utilisation des fonds reste un sujet d’inquiétude. À ce jour, les dépenses du Fonds 126 sont gérées de manière centralisée par le gouvernement sans qu’un accès clair et détaillé aux informations financières soit disponible pour le public. En l’absence d’une Agence de développement du Haut Atlas (ADHA) activée pour superviser les dépenses et coordonner les efforts de reconstruction, il est impossible de consulter des rapports détaillant la répartition des fonds. Cette situation soulève des interrogations sur la capacité du gouvernement à respecter son engagement de transparence, comme le prévoit l’article 27 de la Constitution, qui garantit le droit d’accès à l’information.

Lacunes de transparence et de précision dans la communication

L’analyse des documents publics relatifs au programme de reconstruction révèle des lacunes importantes en matière de transparence et de participation. Les communiqués du Cabinet royal, les documents du Conseil de gouvernement, ainsi que la présentation du ministre du Budget au Parlement ont mis en avant les objectifs généraux du programme et les grandes lignes de sa mise en œuvre. Toutefois, ces documents ne fournissent que des informations globales, sans détails sur les cibles spécifiques de chaque action, ni sur la répartition des fonds par région ou par secteur.

Le document de présentation du programme aux commissions des finances au Parlement, présenté le 22 septembre 2023, illustre parfaitement ce manque de précisions. Composé de seulement sept slides, il ne donne pas aux parlementaires une idée claire des engagements financiers ou des modalités pratiques de leur réalisation. De plus, l’implication des Forces Armées Royales (FAR), bien qu’importante dans les actions immédiates après le séisme, reste floue, avec un manque de communication transparente sur leur rôle et leur action.

L’absence d’approche participative

Une autre critique majeure concerne l’absence d’une approche participative dans l’élaboration du programme. Aucun document public n’indique qu’une consultation des acteurs locaux, des experts ou des citoyens ait été menée pour définir les priorités de la reconstruction. Bien que la nature « urgente » de la situation justifie en partie cette omission, le chef de l’État avait pourtant insisté sur l’importance d’une démarche d’écoute dans la gestion de la crise. La mise en œuvre de ce programme sera un véritable test pour évaluer dans quelle mesure cet engagement a été respecté et si des consultations seront organisées dans les phases futures.

En somme, bien que le Maroc ait pris des mesures significatives pour répondre aux effets dévastateurs du séisme, des questions demeurent quant à la gestion des ressources allouées et à la transparence des processus. L’absence de rapports détaillés, la restriction de l’accès à l’information et l’absence de consultation participative soulèvent des interrogations sur le respect des principes constitutionnels d’équité et de gouvernance. Il est désormais crucial que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour garantir une gestion transparente des fonds et permettre à la société civile et aux institutions de participer activement à la reconstruction.

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