Gestion des marchés du secteur de la santé publique durant la pandémie du coronavirus
À l’annonce par le gouvernement du décret du 16 mars 2020, instituant des dérogations exceptionnelles dans le domaine des marchés publics en vue de répondre à des situations sanitaires d’urgence et leur extension à des domaines autres que sanitaires, Transparency Maroc a signalé à l’attention des pouvoirs publics que « l’absence quasi-totale d‘encadrement des exceptions, présente manifestement un risque important d’abus et de manque d’éthique pouvant aggraver la corruption déjà endémique ».
Ce risque s’est avéré bien réel. En effet, de nombreuses irrégularités flagrantes de déficit de transparence et de manque d’égalité des chances ont été relevées par le rapport de la commission parlementaire relatif à la gestion des 333 marchés du budget du secteur de la santé publique renforcé par les 3 milliards de DH alloués par le Fonds de solidarité du COVID. Ces irrégularités relevées ne sont pas exhaustives, puisque les documents communiqués à la commission par les ministères de la santé et des finances sont incomplets et remis avec un retard de plus de 5 mois. Ce qui soulève la question de l’application de la loi d’accès à l’information pour le citoyen si même une institution constitutionnelle rencontre des difficultés et obstacles ?
A titre indicatif, voici quelques exemples d’irrégularités relatées dans le rapport :
Non-respect de la loi n°84-12 du 30 août 2013 qui stipule l’obligation pour le ministère de la santé publique et les entreprises du secteur de la santé l’enregistrement de ces entreprises et leurs produits et biens en vue de pouvoir opérer dans le secteur ;
Marchés concertés passés avec des entreprises non enregistrées auprès du ministère et acquisitions de fournitures hautement sensibles non enregistrées et/ou enregistrées au nom d’autres entreprises et marginalisation de concurrents dont les dossiers sont prêts mais non instruits malgré leur interpellation du ministère de la santé, témoins de favoritisme, de double traitement des demandes d’enregistrement des entreprises et des fournitures, et atteinte au principe de concurrence loyale et d’égalité des chances ;
Tolérance de la promotion de matériels dont l’efficacité n’a pas été prouvée par un comité technique et sans contrôle préalable, conditions devant être en vigueur quelques soient les circonstances, mettant ainsi en danger la santé des patients et le personnel de santé ;
Une grande lacune a été constatée dans les licences d’importation des appareils respiratoires et des appareils d’oxygène à haut débit alors que des solutions alternatives moins onéreuses existent ;
Un dysfonctionnement dans le marché des tests sérologiques d’un montant de 213.918.000,00 DH au niveau du prix et des dates de péremption. Alors que ce test est vendu à près de 40 DH l’unité en France, le ministère s’est permis de l’acheter à 99 DH, soit une surfacturation de 59 DH malgré des dates de péremption qui ne dépassaient pas les 3 mois.
A ces déperditions de l’argent du contribuable s’ajoute l’exclusion des tests salivaires qui peuvent contribuer au dépistage de la pandémie, alléger la pression sur les hôpitaux publics et soulager la charge financière onéreuse supportée par les citoyens. Cette situation profite aux tests PCR et reflète un corporatisme manifeste.
Au vu de la gravité des irrégularités constatées par la commission, Transparency Maroc interpelle les instances institutionnelles de contrôle en vue d’assumer leurs responsabilités constitutionnelles, notamment la Cour des Comptes, l’Instance Nationale de Probité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et le Ministère Public, par la diligence d’enquêtes en vue de délimiter les responsabilités et les suites légales y afférentes en application du principe constitutionnel d’obligation de rendre compte. Elle demande au gouvernement de revoir les procédures actuelles de gestion des marchés publics du ministère de la santé pour arrêter l’hémorragie constatée au vu de la pandémie qui continue.
Le 11 Août 2021
Le bureau exécutif